Pour aller à l'essentiel : document téléchargeable "la thermographie entre ciel et terre".
Texte détaillé pour réaliser ou critiquer des appels d'offre de thermographie aérienne.
Quelques éléments de jugement sur un sujet à la mode mais controversé chez les thermographes professionnels
Bien qu'ancien, le texte ci-après est toujours d'actualité.
Autour du survol thermographique des villes, débat ou controverse ?
Constatons que la mode des survols de villes coïncide à nouveau (on revit la situation du début des années 1980) avec les campagnes intensives de sensibilisation de la population aux économies d'énergie, si nécessaires aujourd'hui. Sans incitation forte, il ne se passe rien.
Ainsi, nous pensons que ces campagnes de thermographie aérienne, non pas spectaculaires en soi mais souvent montées comme du grand spectacle, ont pour prétention principale cette sensibilisation. Il est parfait d'exploiter le merveilleux de la thermographie. Mais, pour éviter les affirmations péremptoires qui parsèment les communiqués de presse, il faudrait une belle dose de sérieux, de compétence et d'honnêteté, toutes choses dont Descartes ne dirait pas aujourd'hui qu'elles sont les choses du monde les mieux partagées.
En effet, au risque de déplaire : il n'est pas demandé aux média de grande diffusion une compréhension même minimale de la technique thermographique. Leurs assertions peuvent amuser ou irriter la communauté des thermographes professionnels.
Ces articles de presse ne prétendent-ils que, depuis 400 m d'altitude, on serait à même d'identifier l'étanchéité du pourtour d'une cheminée (?) , un mauvais réglage d'aération (?), etc... Alors que la thermographie réalisée au plus près ne peut proposer, de but en blanc, de telles conclusions ... sans une panoplie d'autres mesures et vérifications ?
Il faut bien dire que la thermographie d'une habitation, pour oser la pertinence, implique une approche au corps à corps avec le mode constructif, les détails du bâti et de l'enveloppe, les répartitions des températures pièce par pièce, la corrélation avec des thermographies prises de l'intérieur, le mode de vie des occupants, le tout en interaction avec les conditions climatiques (ensoleillement, vent, précipitations, températures ...) qui ont évolué les jours précédents et sont actuellement en cours. On va voir également que la thermographie contribue pour ce qu'elle peut, alors que quelques francs-tireurs la présentent comme une panacée et comme un moyen de bilan énergétique, ce qu'elle ne peut atteindre.
Que les thermographes se rassurent, ces exceptions, bien qu'en nombre croissant, ne vont pas "tuer la thermographie". Les financeurs de ces opérations ne sont pas dupes, ni les donneurs d'ordre dans leur ensemble. Tout au plus, les deniers publics servent à sensibiliser ce même public ; et l'investissement de l'ordre de 1 à 3 € par habitant reste minime et bien peu conséquent, alors que la thermographie "au corps à corps" coûtera plusieurs centaines d'€ par habitation. On ne peut pas demander la même chose à ces méthodes dont les buts ne sont pas les mêmes. Et toutes les interventions en vol ne sont pas non plus identiques, pas plus que les interventions au sol.
Pour notre part, nous ne pouvons parler que de technique et non de politique incitative aux économies d'énergie. Nous allons donc voir quelques aspects techniques de ce moyen aérien d'observation thermographique. Pour en dire le plus et la limite.
Définition et spécificité
La thermographie aérienne désigne la thermographie qui relève des informations thermiques au sol depuis un vecteur aérien.
Elle est utilisée pour des besoins militaires, agronomiques et en général de télédétection. Nous traitons ici de thermographie aérienne appliquée aux relevés sur le bâtiment.
La thermographie aérienne met en oeuvre des moyens spécifiques dont la description ne relève pas de ce site. Pour un descriptif, se reporter au texte de la conférence de M. Assire au congrès THERMOGRAM' 2005.
La thermographie aérienne, c'est d'abord de la thermographie : elle nécessite la maîtrise des situations de mesure. Les spécificités des mesures à longue distance sont la prise en compte, si possible et au mieux des possibilités, de données supplémentaires par rapport aux mesures à courte distance, afin de corriger les signaux relevés, du fait de certains facteurs de dégradation des rayonnements et de l'adjonction de rayonnements influents. Néanmoins, quand bien même on améliore l'état de fait par des moyens spécifiques en vol et concomittants au sol, lesquels peuvent, selon le cahier des charges - et si on le fait respecter sous le contrôle d'un laboratoire compétent - alourdir passablement la logistique et la facture, on ne peut compter sur la même "qualité" de mesure au sol et en vol ["qualité" signifie la conjonction de bonnes caractéristiques dont les principales utiles ici sont la résolution spatiale, la résolution thermique, la dérive de l'appareil ; voir le dictionnaire thématique sur le wiki-thermographie.]
L'avantage des opérations aériennes en avion ou en hélicoptère est la rapidité d'intervention pour des relevés dont la pertinence est délimitée et statistiquement positive. En moyenne, il faudra sensiblement 3 secondes en vol pour couvrir 1 hectare (100 m x 100 m) contre 3 heures au sol pour relever les 200 m2 d'un pavillon [Cette remarque ne s'applique pas aux relevés en ballon captif qui relèvent davantage de la thermographie au sol. Voir par exemple.]
Inversement, le désavantage de ces opérations est qu'elles voient 1 face (exceptions parfois possibles, mais plus longues ou problématiques) alors que la thermographie au sol voit 10 à 11 faces.
1 - La thermographie aérienne peut-elle contribuer aux économies d'énergie ? OUI
Les donneurs d'ordre et les investisseurs ne travaillent pas par hasard avec des sommes de l'ordre de 50 000 € à 500 000 €. S'il s'agit bien de sensibiliser la population aux économies d'énergies, la thermographie aérienne y contribue de façon positive par son caractère à grand spectacle. Son efficacité technique est également positive quand sa mise en oeuvre et surtout l'exploitation des données résultantes respectent un ensemble de contraintes dont la première est la nécessité de corrélation avec les observations au sol. Il en résulte que, si l'on accepte d'être loin de l'exhaustivité, tout en s'interdisant des déductions quantitatives, le caractère positif des observations résulte d'une analyse thermographique (préalable essentiel à l'analyse thermique) de ce qui est observable par le vecteur utilisé et dans les conditions adéquates.
2 - La thermographie est-elle capable de bilan thermique ou énergétique ? NON
La démonstration d'incompétence de la technique thermographique à établir un bilan thermique a été faite tant de fois, malgré de si nombreuses tentatives infructueuses qu'il ne serait plus décent d'y revenir, sauf à changer le sens des mots. A fortiori, la thermographie aérienne, encore moins apte à la mesure absolue et ne distinguant qu'une encore plus faible partie du bâti (1 face sur 11 !) est-elle encore moins capable de bilan thermique, donc d'aligner des chiffres de déperditions d'une habitation.
3 - Quelle relation entre déperdition en toiture et déperdition du bâtiment ?
Le document "isolation thermique" de l'ADEME comporte un croquis que l'on retrouve chez tous ceux qui veulent prouver quantitativement l'intérêt de la thermographie aérienne. Or, ce croquis porte la mention explicite "Pertes de chaleur d'une maison individuelle non isolée". Il indique que les pertes par la toiture sont de 25-30 % de la consommation de chauffage de la maison individuelle (il s'agit d'une maison d'un seul niveau). Ces pertes par la toiture ont lieu tant par convection sur la toiture (qui n'est pas l'air renouvelé de la partie habitable - voir croquis - ) que par rayonnement de la toiture. Seules les pertes par rayonnement sont visibles par thermographie. On estime que les déperditions par rayonnement de la toiture de la maison individuelle non isolée représentent 5 à 10 % de la consommation de chauffage.
Pour une maison individuelle isolée, il est bien évident que les pertes sont nettement inférieures, l'isolation des combles ou de la toiture étant la première isolation apportée à la maison du simple fait des 30% évoqués et de la simplicité de mise en oeuvre. Combien de maisons ont donc une isolation en combles ou en toiture et ne disposent pas d'isolation des murs ? Nous ne connaissons pas de statistiques à ce sujet.
Puis viennent les maisons isolées "de toutes parts" pour lesquelles la thermographie est principalement intéressante en réception des travaux en période de chauffage (constat de malfaçon).
Viennent ensuite les maisons mitoyennes et les maisons de ville de 2 à quelques étages où les déperditions en toitures augmentent éventuellement par rapport aux déperditions des façades non mitoyennes (au prorata pondéré des surfaces respectives).
On constatera ainsi que la thermographie aérienne n'est pas d'un grand intérêt pour les immeubles de grande hauteur, la surface de déperdition (souvent des toitures-terrasses) étant bien faible vis à vis des surfaces des façades. Et alors, le constat inverse est évident pour les bâtiment de grandes surfaces et de faible hauteur (centres commerciaux, usines, ...).
Ainsi on peut imaginer pouvoir quantifier, NON PAS les déperditions !!, mais la pertinence de la thermographie aérienne d'un ensemble de bâtiments en faisant un bilan des constructions selon les surfaces respectives de leurs parois verticales et de leurs toitures. Ceci est finalement d'une grande évidence, encore fallait-il y revenir. Pour tel ou tel type de bâtiment, la thermographie est donc plus ou moins "quantitativement efficace".
4 - La thermographie aérienne peut-elle accéder aux façades ?
C'est naturellement la question immédiate qui découle des remarques précédentes, puisque, précisément, la thermographie aérienne (celle qui ne s'occupe que des toitures) est quantitativement efficace pour les bâtiments de grande surface de faible hauteur. Il n'est pas du tout sous-entendu ici, mais clairement énoncé, que la thermographie des façades est quantitativement nettement plus significative des déperditions de l'habitat en général (sauf dans le cas des grandes surfaces de faible hauteur). Mais ce travail est colossal ; il a néanmoins été mené autrefois pendant la nuit par les équipes de Socotec et du LNE sur quelques programmes pionniers (Cergy Pontoise par exemple dans les années 1980).
Alors, à la demande des donneurs d'ordre ou plutôt à la demande d'appels d'offre rédigés par certains acteurs de la thermographie aérienne, ces mêmes proposent l'indication des façades "à problème" par du tout ou rien, autant dire rien.
Lorsque la thermographie aérienne sera réalisée par des drônes (avec les problèmes actuels de certification d'opérateurs, d'homologations et d'autorisations en tous genres), ceux-ci pourront aller voir ce qui se passe tant en façade qu'en toiture. C'est la solution en cours et d'avenir... lointain (?). On constate alors que l'on reviendra peu à peu vers le sol donc vers l'analyse "au corps à corps" évoquée en début d'article. Là aussi, il s'agit d'une évidence : quand on disposera des moyens (techniques ou financiers), la thermographie du bâtiment se fera depuis le sol.
En conclusion, la thermographie aérienne est aérienne.
Débat ou controverse ? On comprend maintenant que la controverse porte pour une bonne part sur le professionnalisme de quelques intervenants, soit amateur historique soit agité manipulateur.
5 - Ouverture vers la thermographie aérienne ...
Compte-tenu d'une offre insuffisante en thermographie aérienne, M. PAJANI s'est investi de 1997 à 2000 en investigations et en actions dans cette application avec la société Altiph'air. Un document de 25 pages pour le survol des villes de moyenne et petite dimension est désormais diffusé ici "la thermographie entre ciel et terre".
Le sujet a été traité en conférence du LNE lors du congrès THERMOGRAM' 2007. Il y est revenu à nouveau lors du congrès THERMOGRAM' 2009, en creusant davantage la pertinence des appels d'offre, afin qu'ils ne soient pas ficelés au service de qui les rédige.