1 - NOTIONS DE BASE SUR LE RAYONNEMENT ET LA TEMPERATURE

1.1. LA MATIERE EMET DU RAYONNEMENT

Vous êtes rayonnants ! Tout comme vos tables et vos chaises, les murs et les fenêtres. Toute matière rayonne de l'énergie. Vous en avez l'expérience par le phénomène d'absorption de cette énergie quand vous vous chauffez les mains en les approchant d'un feu de bois ou d'un radiateur, objets plus chauds que vos mains.
Si vous sortez par temps glacial, vous vous habillez "chaudement" pour ne pas dissiper l'énergie de votre corps. La dissipation a lieu par échange d'énergie avec le vent glacé (échange par convection) et également avec le ciel d'hiver (échange par rayonnement) : c'est vous alors qui chauffez votre environnement par le rayonnement que vous émettez ! Par temps de neige, il vaut mieux porter des gants pour les batailles de boules de neige afin de ne pas vous geler les mains, pour ne pas les refroidir à la température de la neige (échange par conduction). Même les objets "froids" émettent du rayonnement, de l'énergie, mais moins que notre corps, plus chaud.
Le rayonnement d'énergie par la matière est une réalité permanente. Si l'on considère une durée d'une seconde, la matière émet une puissance de rayonnement, une certaine quantité de watts. La surface effective de notre corps, d'environ 2 m2, émet quelques 1 000 Watts. Mais placé dans un environnement de même température, il recevrait également quelques 1 000 W de rayonnement en provenance de cet environnement, ce qui permettrait de compenser les pertes. (Nous ne considérons là que les échanges par rayonnement.) Placé dans un environnement de 0°C, le corps nu ne recevrait qu'environ 300 W, ce qui finirait par épuiser l'énergie interne du corps, énergie apportée par la transformation des graisses en chaleur.

1.2. LA MATIERE A UNE TEMPERATURE

L'énergie interne de la matière peut aussi être déjà là sous forme de chaleur accumulée. C'est cette forme d'énergie qui nous intéresse ici : celle qui est immédiatement disponible sans transformation. C'est elle qui définit la température de la matière. La température est donc une manifestation de la chaleur contenue dans la matière et, de même, le rayonnement émis par la matière est une manifestation de cette énergie ou de cette température.
Le rayonnement émis par la matière, par notre corps, par la neige, est de même nature que le rayonnement émis par les antennes de radio, de TV, de radar, par le four à micro-ondes ou par les lampes à incandescence, les tubes-fluo, le soleil. C'est "simplement" du rayonnement électromagnétique. Il existe un vaste spectre de rayonnement électromagnétique, à toutes fréquences ou à toutes longueurs d'onde (la longueur d'onde est inversement proportionnelle à la fréquence).

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FIGURE 1 - Le spectre des rayonnements électromagnétiques (en longueurs d'onde croissantes)

Température et puissance de rayonnement sont liées. Pour la matière "idéale", il y a une relation directe et connue entre la température et la puissance du rayonnement émis : c'est la loi de Planck, établie en 1900.

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FIGURE 2 - Les courbes de Planck

1.3. LA MESURE DU RAYONNEMENT ET DE LA TEMPERATURE...

Et ainsi, c'est par la mesure du rayonnement émis par la matière que l'on connaît la température de cette matière. On mesure une faible partie de ce rayonnement, au moyen d'un appareil de mesure, le radiomètre. Après étalonnage de ce radiomètre, celui-ci indiquera directement une température : ce sera alors un thermomètre par rayonnement, un radio-thermomètre. Ceci est valable si le radiomètre observe cette matière "idéale", ce qui n'est pas le cas habituel ; mais la matière réelle peut s'en approcher. Et dans la panoplie du savoir-faire du "mesureur", il y a précisément la connaissance de la matière observée, la connaissance du "combien la matière n'est pas idéale". En effet, le radiomètre ne sait pas quelle est la matière qu'il observe : c'est le mesureur qui doit le savoir.

1.4. ... A QUELLES LONGUEURS D'ONDE ?

La puissance du rayonnement est une fonction directe de la fréquence - ou une fonction inverse de la longueur d'onde - de ce rayonnement, et de la température du corps qui émet ce rayonnement.
Le rayonnement du soleil (6000°C en surface) est plus puissant que le rayonnement émis par notre corps (environ 35°C) et le soleil émet ce rayonnement surtout aux fréquences élevées, ou aux faibles longueurs d'onde, ce qui revient au même.
Un objet chaud émet donc un rayonnement plus puissant qu'un objet froid et le rayonnement est émis à des longueurs d'onde d'autant plus courtes que le corps est chaud.
La lampe à incandescence, par exemple, émet des rayonnements à des longueurs d'onde beaucoup plus courtes que ceux émis par notre corps. Longueurs d'ondes si courtes que nos yeux les perçoivent, les yeux étant sensibles à ce rayonnement dit "visible" : du violet au rouge, soit de 0,4 µm à 0,8 µm ; c'est le spectre visible.
La matière émet néanmoins à toutes les longueurs d'onde.

1.5. L'INFRAROUGE, C'EST LE FROID !

On parle d'ultraviolet et d'infrarouge : c'est que le physicien parle en énergie. Le rayonnement infrarouge (on dit simplement "l'infrarouge") est moins puissant, moins énergétique que l'ultraviolet. Nous parlons plus communément en longueur d'onde : l'infrarouge se situe au delà de 0,8 µm ; il regroupe les longueurs d'onde des rayonnements de la matière de notre entourage, relativement froide, plus froide que celle qui, chaude comme la lampe à incandescence, est vue directement par nos yeux. Par définition, nous ne voyons pas le rayonnement infrarouge avec nos yeux. La lampe dite "infrarouge" est moins alimentée que la lampe à incandescence normale : elle consomme moins d'énergie et est donc plus froide. Elle est conçue pour émettre principalement dans l'infrarouge, pour chauffer moins qu'une lampe normale.
Si la lampe est encore moins alimentée, la lumière visible émise par le filament peut être insuffisante : nos yeux ne la voient plus. Ce qui ne signifie pas que la lampe n'émet pas de rayonnement. Elle émet du rayonnement seulement dans l'infrarouge, donc du rayonnement "plus froid". L'infrarouge est donc lié au froid, contrairement à l'idée commune. Et pour voir des objets froids, ou des objets plus chauds parmi des objets plus froids, il faut aller voir leurs rayonnements dans l'infrarouge.

1.6. LA CAMERA THERMIQUE POUR VOIR LE FROID

Ainsi, si nous voulons voir le rayonnement émis par les objets habituels de notre environnement (ils sont froids), ou déterminer leur température en mesurant ce rayonnement, il nous faut des yeux spéciaux capables de voir dans l'infrarouge. D'où les caméras infrarouges, que nous préférons appeler "caméras thermiques", conçues pour pallier les limites de nos yeux, incapables de voir les rayonnements émis par les objets "froids", en-dessous d'environ 500°C. Nous pouvons donc dire que les objets sont froids s'ils sont à une température inférieure à 500°C. Ceci pour nos yeux.
En fait, et nous corrigeons ainsi l'affirmation donnée plus haut, la matière "idéale" émet à toutes les fréquences, à toutes les longueurs d'onde (voir les courbes de Planck). On dit que son spectre de rayonnement est continu. La matière ne se comporte pas comme une radio-émettrice qui n'émet qu'à une longueur d'onde principale - mais elle n'émet pas la même puissance de rayonnement pour chaque longueur d'onde. Ainsi, notre corps émet du rayonnement dans le spectre visible, mais ce rayonnement est si faible qu'aucun récepteur ne pourrait le mettre en évidence : il faudrait diminuer le seuil de réception du radiomètre à un niveau si bas, que la technologie ne le permet pas aujourd'hui ; et comme il existe des technologies "simples" qui fonctionnent très bien dans l'infrarouge, on construit les caméras thermiques (les plus courantes) pour qu'elles voient dans l'infrarouge.
Disons aussi qu'il existe plusieurs "infrarouges" : le proche, le moyen, le lointain. Il existe donc plusieurs types de caméras infrarouges, mais les caméras thermiques utilisables pour les températures ordinaires sont dans le moyen infrarouge et le lointain infrarouge. On ne peut voir le rayonnement émis par un bâtiment, par exemple, avec une caméra proche infrarouge, laquelle n'est donc pas une caméra "thermique" (même si elle pourrait l'être pour des objets beaucoup plus chauds - ce n'est pas notre propos ici).

1.7. EN PREMIERE CONCLUSION : LE RAYONNEMENT EMIS

Si l'on veut observer la température des objets froids, donc mesurer le rayonnement émis par ces objets, il faut aider notre oeil en l'équipant d'une prothèse qui décale le spectre de fonctionnement de notre oeil vers les longueurs d'onde de l'infrarouge.
Si nos yeux pouvaient détecter le froid ou le plus chaud parmi le froid, nous n'aurions nul besoin de caméra thermique infrarouge. Encore faudrait-il que nos yeux soient capables de mesurer ce rayonnement, ce qui n'est pas de leur ressort. Encore que le forgeron ou le verrier, par leur grande expérience, soient capables de déterminer les températures à l'oeil, par la couleur des matériaux qu'ils chauffent au four, entre 700 et 1300°C environ.
Les objets chauds (mais à moins de 500°C) sont froids pour nos yeux : si nous ne disposions pas de la sensation du chaud, sensation due à l'absorption du rayonnement par notre corps, nous risquerions de nous brûler en nous approchant et en touchant ces objets. Néanmoins, un objet chaud peut émettre très peu de rayonnement : il s'éloigne alors de beaucoup de la matière "idéale" dont nous avons parlé. Le fer à repasser à semelle métallique brute en est un exemple. Il y a risque accru de brûlure, puisque la sensation du chaud par absorption, avant le toucher, n'existe presque pas. L'observation de la semelle du fer à repasser par le radiomètre indiquera un objet presque froid : c'est donc bien l'art du thermographe qui permettra de définir la température de la semelle du fer à repasser.

1.8. EN SECONDE CONCLUSION : LE RAYONNEMENT REFLECHI

Nous nous voyons donc entre nous, non par le rayonnement que nous émettons, mais par le rayonnement que nous réfléchissons, rayonnement qui provient de sources suffisamment chaudes (lampes à incandescence ou soleil), ou sources émettant du rayonnement à certaines longueurs d'onde du spectre visible, parce que conçues pour cela (tubes-fluo, lampe au sodium, led).
Le rayonnement réfléchi nous permet de vivre dans notre réalité quotidienne en nous repérant avec nos yeux, sensibles aux longueurs d'onde du spectre visible. Le rayonnement réfléchi existe aussi dans l'infrarouge. C'est également en cela que la matière n'est pas "idéale", comme nous l'avions évoqué plus haut : la matière émet du rayonnement mais, également, elle réfléchit du rayonnement, rayonnement qui provient de son environnement, des objets environnants. Alors vous comprenez que si l'on pointe un radiomètre en direction d'un objet, ce radiomètre va mesurer du rayonnement émis par cet objet, mais également du rayonnement réfléchi par cet objet. La matière, du fait qu'elle est "non idéale", implique que le mesureur soit apte à comprendre ce qui se passe, à faire la part des choses dans ce que mesure son appareil. Cet appareil ne fait pas la distinction entre les rayonnements d'origines diverses, et le rayonnement réfléchi par l'objet visé ne nous renseigne pas sur la température de cet objet.
Ainsi, dans le spectre visible, nous avons surtout affaire à des rayonnements réfléchis pour observer les objets "froids", alors que dans l'infrarouge, pour observer et mesurer la température de ces objets "froids", nous nous intéressons aux rayonnements émis par ces objets mais il existe aussi un rayonnement réfléchi qui est, en proportion, moindre que dans le spectre visible.

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FIGURE 3 - Le rayonnement émis et le rayonnement réfléchi

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